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Page:Béranger - Ma biographie.djvu/76

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tentement. Aussi je fus bien surpris de le voir compromis dans l’affaire Carbon et Saint-Régent. Depuis ce jour, je ne me suis plus rencontré avec lui. Le nommé Charles, arrêté, je crois, le surlendemain de cette réunion, fut fusillé en vertu d’un ancien jugement porté contre lui. Quand il fut pris, il projetait d’assassiner le Premier consul, et l’avait confié à mon père, qui fit tout pour l’en détourner. Nous eussions dû être compromis par de telles relations : on surveilla seulement mon père, à qui le commissaire de police donnait le titre de banquier des royalistes. À juger par le banquier de la fortune du parti, la banqueroute était imminente.

Je m’aperçois que j’ai gardé le silence sur les événements politiques des deux dernières années du dix-huitième siècle, qui ne furent pas de nature à adoucir mes chagrins. Moi qu’avaient rempli de tant de joie les succès de nos armes, il me fallut bientôt gémir sur leurs revers multipliés, trembler même pour l’indépendance de la patrie. À la fin du pouvoir directorial, l’anarchie devint telle, que les cœurs les plus forts y perdaient l’espérance. Qu’on juge où en étaient les cœurs timides. J’ai entendu avec confusion, de bons bourgeois désirer alors le triomphe de la coalition étrangère. Les Masséna, les Brune, qui nous ramenaient la victoire en Suisse et en Hollande, paraissaient insuffisants pour nous rendre la sécurité,