Page:Béranger - Ma biographie.djvu/78

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ôté l’idée qu’il arriverait à la suprême magistrature. Ainsi que d’autres royalistes, mon père ne voulait voir en lui qu’un Monk. Quant à moi, j’applaudis avec toute la France à la révolution du 18 brumaire, non pourtant sans craindre que le jeune général ne s’arrêtât pas au Consulat.

Si l’on me demande comment, avec mes prévisions, je n’ai pas été révolté par la violation de la constitution au 18 brumaire, je répondrai naïvement qu’en moi le patriotisme a toujours dominé les doctrines politiques et que la Providence ne laisse pas toujours aux nations le choix des moyens de salut. Ce grand homme pouvait seul tirer la France de l’abîme où le Directoire avait fini par la précipiter. Je n’avais que dix-neuf ans, et tout le monde semblait n’avoir que mon âge pour penser comme moi. Les partis s’étaient anéantis par la violence, et leurs mouvements, dont on s’effrayait, n’étaient que les spasmes de l’agonie. Cette frayeur suffisait pour empêcher le petit nombre de voix qui réclamaient une franche république de trouver de l’écho. On croyait l’avoir eue en 93, et cette république-là n’avait guère que des fous pour elle. Les sages qui parlaient encore de liberté le faisaient avec la défiance que leur inspiraient à eux-mêmes des essais malheureux ou maladroits. D’ailleurs, très-peu de ces politiques se recommandaient par la science de