Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 1.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tentrional des côtes sardes, puis à l’île entière, et qui suggéra ensuite au Poète — ou à son modèle — l’aventure de son héros.

De même que les colères et apaisements du Stromboli sont devenus l’humeur d’Éole changeant suivant les sautes de vent et nous ont valu le double voyage d’Ulysse en Éolie et la double réception d’Éole, bienveillante par le vent du Nord, irritée par le vent du Sud, de même, dans notre île des Sardes, près de la Pointe des Fuyards, le Poète n’imagine que fuites, — fuite des hommes envoyés pour explorer le pays, fuite d’Ulysse, qui ne tire sa vaillante épée que pour couper ses amarres et s’enfuir en abandonnant le gros de sa flotte.

De même que l’épisode chez Calypso est la captivité d’Ulysse, sa disparition mystérieuse dans l’Ile de la Cachette, de même l’épisode des Lestrygons en est la fuite, la libération miraculeuse.

Dans l’ensemble et dans les détails, tout cet épisode a été combiné pour cette fuite : le gros de la flotte, qui ne devait pas en réchapper, est allé mouiller dans le fond du port ; le seul bateau d’Ulysse, qui devait s’enfuir, est resté à l’entrée. Ni chez le Cyclope, ni chez Circé, ni chez Skylla, Ulysse n’abandonne ainsi ses compagnons : d’ordinaire, quand un chef tire son épée, c’est pour défendre ses équipages