Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/112

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sique et peut-être même aux auditeurs des plus vieux aèdes[1] : ces mots sont l’héritage d’un long passé, le souvenir d’un âge où le sens et la forme des vocables correspondaient exactement au parler de l’auditoire. On peut douter, en effet, qu’au temps du Poète, on employât encore dans le parler quotidien telles de ces formules héritées des plus vieux drames épiques ou que même on les comprît mieux que nous. La place de ces archaïsmes dans les vers d’annonce en explique la survivance en nos Poésies : d’un autre dialecte et d’une autre époque, plusieurs témoignent d’une usure qui implique une très longue vie littéraire. En veut-on un exemple ?

On traduit, d’ordinaire, la formule d’annonce de Nestor par : « Nestor, le cavalier de Gerène, leur dit »… C’est ainsi que les Anciens déjà rendaient l’épithète gérènios, accolée au nom du roi de Pylos, et ils plaçaient l’éducation de Nestor dans une ville de Gérène, qui n’avait

  1. Nous savons par les Anciens à quelles interminables discussions ces mots rares et étranges donnaient lieu dans toutes les réunions publiques et privées de l’Athènes classique : hommes et femmes étalaient leur connaissance du Poète et se piquaient d’avoir découvert la signification véritable de quelque expression mystérieuse. Les poètes comiques ont tourné cette innocente manie en dérision : elle a eu néanmoins de bien mauvais effets sur la compréhension traditionnelle des Poésies.