Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

moins, se présentent et parlent tous ses personnages de femmes ! les plus passionnées et les plus sensuelles, Calypso et Circé, les plus innocentes et les plus sages, Nausicaa et Pénélope, les moins vierges et les plus vieilles, Hélène et Euryclée, toutes gardent une réserve et tiennent des discours qu’en d’autres littératures les poètes les plus respectueux de la femme, et même nos romans de la chevalerie la plus courtoise, n’ont pas prêtés plus dignes ni plus tendres à leurs héroïnes.

En regard de Calypso, la Didon de Virgile est une Bacchante ; mais l’Andromaque de Racine nous est venue tout droit des Portes Scées. L’épos reste chaste, même en traitant des actes les plus précis, les plus intimes de l’amour. Devant le lit somptueux de la déesse, où vont s’ébattre Ulysse et Circé, le Poète tend aussitôt le joli défilé des nymphes-servantes qui préparent le festin. Après les ardentes déclarations de Zeus à son épouse, c’est une nuée d’or qui tombe comme un rideau entre eux et l’auditoire. Même réserve quand, après le dialogue du soir, Ulysse et Calypso rentrent ensemble dans le fond de la grotte, « pour rester dans les bras l’un de l’autre, à s’aimer ». Toute pareille encore est la fin de l’Odyssée authentique : Pénélope ayant enfin reconnu son mari, Ulysse ayant annoncé les nouvelles