Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/240

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des interruptions perpétuelles…, c’étaient là des conditions de publicité déplorables pour un livre comme celui de Chateaubriand. On pouvait espérer du moins qu’après cette malencontreuse publication, les Mémoires paraissant en volume trouveraient meilleure fortune. Mais ici encore, l’auteur eut toutes les chances contre lui : son livre fut publié en douze tomes… Divisés, découpés en une infinité de petits chapitres, comme si le feuilleton continuait encore, les Mémoires n’avaient donc plus rien de la belle ordonnance, de la symétrie savante, qui caractérisent les autres ouvrages de Chateaubriand. Le décousu, le défaut de suite, l’absence de plan déconcertaient le lecteur et le disposaient mal à goûter tant de belles pages, où se révélait le génie de l’écrivain.

Durant un demi-siècle, le public ne connut les Mémoires qu’en cette illogique division d’Émile de Girardin ou de ses protes. M. E. Biré pouvait dire qu’en 1890, les lettrés conservaient encore le plus vivace, le plus juste préjugé contre cette œuvre admirable. Partant de la phrase célèbre de Chateaubriand lui-même : « Les Français seuls savent dîner avec méthode, comme eux seuls savent composer un livre », M. E. Biré entreprenait donc de retrouver, sous les tranches du feuilleton, la « bâtisse » de l’auteur.

Chateaubriand avait dit lui-même, dans une sorte de Préface testamentaire : « Les Mémoires sont divisés en parties et en livres... ». Cette