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gues surtout, la grande majorité partage désormais les désirs du plus illustre de leurs confrères de Hollande : « Il faut sortir au plus tôt, écrivait un jour M. van Leeuwen, de ce marais de doutes et de soupçons où se sont enlisées trop longtemps les études homériques[1]. »

M. A. Shewan, pour mesurer l’étendue de cette réaction, passait en revue trente ou quarante ouvrages de toutes langues. Il concluait : « On revient à la foi orthodoxe de jadis : il y a eu un poète, nommé Homère, qui a composé la majeure partie de l’Iliade et de l’Odyssée ; les additions postérieures sont de dimensions minimes »... C’est, presque mot pour mot, ce que disait dès 1893 celui qui fut le premier apôtre énergique de cette « réaction », M. Andrew Lang, en son livre Homer and the Epic[2].

Homère est ressuscité, Ὅμηρος ἀνέστη. Un des grands travaux du xixe siècle avait été le renversement de cette idole et sa réduction en poussière. C’est à cette tâche que nombre de philologues en Allemagne et de leurs disciples au dehors s’étaient consacrés. Vers les années 1880-1890, ils semblaient toucher au succès final : un esprit scientifique, un helléniste renseigné ne devait plus croire à l’existence ni, surtout, à l’œuvre d’un poète, qui eût composé soit la totalité, soit la majeure partie de l’Iliade et de l’Odyssée.

Car, durant deux millénaires et demi, depuis les Grecs d’Archiloque jusqu’aux Français de Voltaire, l’humanité blanche avait été victime d’une illusion : tour à tour, Grecs, Latins, Italiens, Français, Espagnols, Hollandais

  1. Van Leeuwen, Mnemosyne, XXXVIII, p. 341 : quam primum emergendum est e dubitationum et suspicionum illa palude, in qua nimis diu haeserunt studia homerica. Voir du même auteur, Commentationes homericae, Leyde, 1911.
  2. A. Lang, Homer and the Epic, London, 1893 ; Homer and his Age, London, 1906.