Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/46

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de Lucien, d’Isocrate, de Galien, d’Arrien, etc., etc. ; trois vies d’homme n’auraient pas suffi à la moitié seulement de la besogne, si ces trois vies tout entières y eussent encore été consacrées. Or son cours public et son séminaire prenaient à Wolf les trois quarts de son année. Aussi ne put-il jamais tenir le centième des promesses qu’il dispersait à tous les vents ; les engagements les plus formels n’étaient respectés par lui que le marché sur la gorge, si l’on peut dire, à la dernière minute, quand la foire prochaine ne lui laissait plus que quelques mois, quelques semaines ; en chacune de ses Préfaces, on retrouve ces « raisons de date et de hâte », ces « manques de temps et de loisir », cette menace de la foire qui vient et qui force l’auteur à donner, vaille que vaille, l’ouvrage terminé ou incomplet ; la foire de Pâques ! la foire de Leipzig ! il fallait arriver à jour fixe !... Pour ne pas manquer la foire, Wolf prenait tous les moyens de parvenir ; il empruntait de droite et de gauche, et il oubliait trop souvent de spécifier ses emprunts, et il se hasardait parfois à les nier ou, du moins, à les pallier de son mieux.

L’Allemagne est un pays de professeurs[1] ; la France est un pays d’écrivains. Tenu à ne jamais enseigner que le dernier mot de la science, le professeur d’université n’a pas à faire dans son enseignement le rigoureux partage de ses propres idées et de celles des autres ; pour lui, il n’y a pas de propriété littéraire ou scientifique ; en chaire, il est libre de reproduire tout ce qu’il juge utile à ses élèves. Mais du jour qu’il écrit et, plus

  1. Pour Wolf professeur, cf. Hanhart, Erinnerungen an Fr. A. Wolf, Basel, 1825 ; O. Schulz, id., id., Berlin, 1830 ; J. Arnoldt, F. A. Wolf in seinem Verhältniss zum Schulwesen und Paedagogik, Braunschweig, 2 vol., 1861-1862.