Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/51

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du poète ; elle tint l’Iliade et l’Odyssée, tout comme l’Énéide, pour des poèmes « réguliers », pour les œuvres d’un écrivain et d’un artiste. Elle discutait sur le texte, d’une part, — c’est-à-dire sur l’orthographe des mots, la ponctuation, les accents, les variantes, l’authenticité de tels ou tels passages, — et d’autre part, sur les pensées, les intentions et les théories qu’elle attribuait ou qu’elle refusait au grand Vieillard. Il y avait des critiques « plus homériques »; il y en avait de « moins homériques » ; il y avait même « les plus homériques » ; mais tous étaient « homériques » ; seuls, les fous pouvaient mettre en doute le rôle et le génie d’un Homère, éternel modèle des poètes épiques, au même titre qu’Eschyle ou Sophocle le devait être des poètes tragiques, ou Démosthène des orateurs.

Les plus audacieux contestaient seulement à cet Homère la paternité jumelle de l’Iliade et de l’Odyssée : c’étaient les « séparatistes », les chorizontes ; à les entendre, les deux poèmes supposaient deux auteurs, tant le style, la langue et le sujet leur semblaient différents. Les plus irrévérencieux se permettaient de ne pas tout admirer dans les vers du Vieillard « endormi » ; ils y soulignaient des contradictions et des longueurs, des maladresses et des incongruités : c’étaient les Zoiles, si l’on peut dire, bien que Zoile n’eût pas mérité la réputation qu’il traînait à travers les siècles. Les mieux renseignés et les pamphlétaires prétendaient que, l’écriture n’existant pas au temps d’Homère, les poèmes n’avaient été recueillis, transcrits et codifiés que plusieurs siècles plus tard ; il était donc aussi puéril de discuter minutieusement que d’admirer jusqu’en ses verrues ce texte homérique ; plusieurs générations de chanteurs en avaient façonné la teneur au gré de la transmission orale et de la fantaisie individuelle.

Mais, dénigrants ou thuriféraires, tous les critiques à