Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/53

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sion suprême : on soumit tout débat homérique à l’arbitrage des monuments et des « réalités » ; les historiens et les philologues continuaient leurs travaux ; mais l’archéologue parlait en maître et quand il jetait sur le texte homérique une « réalité » mycénienne ou crétoise, on ne lui demandait même pas la date exacte de son monument ; en appliquant cette méthode aux littératures récentes, c’est avec une armure de saint Louis et un château de la Renaissance que l’on eût expliqué une tragédie de notre xviie siècle.

Littéraire d’abord, puis philologique, historique ensuite et archéologique enfin : la critique d’Homère, chez les Modernes, a eu quatre grandes périodes, avant la « réaction » présente. Si Georg Finsler n’en comptait que trois, c’est qu’il vivait surtout dans les textes : l’archéologie n’était à ses yeux qu’une branche ou une illustration de l’histoire. Historique avant tout, la dernière de ces trois périodes, — celle qui est venue jusqu’à nous, — lui semblait avoir débuté vers 1840, ayant eu pour initiateur principal Karl Lachmann (1793-1851) et ses communications à l’Académie de Berlin (décembre 1837 ; mars 1841).

De 1840 à 1890, en effet, la critique homérique a vécu pour propager ou combattre cette « théorie des chants séparés », Liedertheorie, qui ne voyait dans les deux poèmes que deux assemblages artificiels de grandes et de petites pièces, de chants indépendants. Lachmann ne l’avait pas inventée ; par l’intermédiaire des Grimms et de Herder, il l’avait reçue de nos Français du xviie siècle ; mais, le premier, Lachmann l’avait systématiquement appliquée aux poèmes homériques.

Avant 1840, avant Lachmann, la discussion était plus spécialement philologique : elle portait avant tout sur le texte et la langue. Georg Finsler rapporte à Christian-Gottlob Heyne (1729-1812) et à sa grande édition de