Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/79

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Les poèmes homériques, dit d’Aubignac, ne sont pas le début de la littérature grecque ; des vers aussi parfaits supposent une assez longue série d’œuvres antérieures, qui ont forgé l’instrument poétique, la langue, le rythme, etc.[1]. — « Si donc on veut dire que, de tous les Grecs qui nous restent, Homère est le premier rempli de cet esprit divin qui fait les poètes et que nous n’avons point de poème épique plus ancien », rien n’est plus vrai ; « mais de prétendre que l’auteur de cette poésie ait eu les sciences infuses pour les enseigner aux âges suivants, qu’il en ait été la source sans jamais en avoir rien puisé d’ailleurs, cela est ridicule ; il avoit vu des ouvrages qui lui avoient ouvert le chemin pour aller aux grandes choses » (pages 18-19).

Avant Homère, il y a donc eu une période primitive dont il ne nous reste rien, sauf des noms légendaires, mais durant laquelle furent inventés et la langue et le vers et les façons générales de l’épopée grecque... D’Aubi-

  1. Ces arguments sont repris aujourd’hui par tous les critiques, dont pas un ne semble connaître la priorité de d’Aubignac. Cf. en particulier l’article que Michel Bréal a publié dans la Revue de Paris du 15 février 1903 et qu’il a reproduit en son volume Pour mieux connaître Homère (Paris, Hachette, 1906), p. 18 et suivantes : « Je viens maintenant au style de l’Iliade.... Pour expliquer cette merveille du genre narratif, ce n’est pas assez de supposer un rare génie poétique ; on est obligé, en outre, d’admettre l’existence d’une forme depuis longtemps assouplie... Une longue période d’essais épiques a dû précéder, etc. »