Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/83

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parmi le peuple et sur les évènemens qui avoient rendu célèbres les rois et autres chefs qui s’y étoient trouvés, et ces hymnes ou cantiques étoient nommés tragédies ou chansons du bouc, parce que c’était la victime que l’on sacrifiait après la procession solennelle où le poète vainqueur était couronné de laurier. »

D’Aubignac, comme tous nos contemporains[1], tient la tragédie grecque pour dionysiaque, liée primitivement aux fêtes et au culte de Dionysos-Bacchus ; mais il croit que le dialogue de la tragédie classique est une invention postérieure : la « vieille tragédie » était un monologue héroïque, une « hymne », un « cantique » à la gloire des dieux, des demi-dieux ou des familles royales, qui en étaient issues, en particulier des quatre « maisons » princières dont les exploits avaient constitué ce que nous appellerions aujourd’hui le Cycle de Troie, le Cycle de Crète, le Cycle d’Argos et le Cycle de Thèbes. La « vieille tragédie » aurait donc été un drame monologué, et la tragédie classique, un drame dialogué ; celle-ci n’aurait différé de celle-là que par ce changement de forme, lequel entraîna un changement de mètre ; mais le fond héroïque et l’intention religieuse restaient les mêmes, et les mêmes cycles, chantés dans les festins par les rhapsodes d’Ionie, furent joués au théâtre par les acteurs d’Athènes.

C’est de ses études antérieures que d’Aubignac avait tiré cette théorie de la tragédie grecque : il avait « traité » toutes ces matières plus amplement ailleurs, « avec les paroles des auteurs qui lui avaient servi de guides en cette découverte » ; il suffit, en effet, de nous reporter à son Térence justifié. Aujourd’hui, nos théories les plus

  1. Cf. là-dessus W. Ridgeway, The Origin of the Tragedy, 1910 ; Drames and dramatic Danses, 1915 ; A. B. Cook, Zeus, I, p. 665 (1914).