Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/86

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le peuple, et ces hymnes ou cantiques étoient nommées tragédies... Il ne faut pas entendre cela des tragédies que nous avons maintenant, mais de ces anciennes hymnes qui n’avaient rien de la forme, de l’action et de l’étendue que l’art et le tems leur ont données... Ces cantiques ou vieilles tragédies n’en demeuroient pas à la simple cérémonie de religion, car il y avoit des gens qui s’étudioient à les bien chanter et danser aux festins des grands et aux autres divertissements du peuple... D’où vient que plusieurs anciens de grande autorité et de profonde érudition ont écrit qu’au commencement, la tragédie étoit jouée tout entière par le chœur et qu’elle n’avoit point d’acteurs histrions. Sur quoi j’ai vu souvent des savants de notre siècle méditer et travailler inutilement pour l’intelligence de ces termes, ne pouvant s’imaginer comment une tragédie, dont ils n’avoient point d’autre idée que celle de notre tems, étoit jouée sans acteurs... » D’Aubignac dit ailleurs au sujet des cantiques de l’Iliade : « Je ne veux pas soutenir que tous ces cantiques ou épisodes aient été faits par autant de poètes différents ; au contraire, je présume qu’il y en a plusieurs d’un même esprit..., et c’est à mon avis d’où vient la diversité des sentimens des auteurs sur les œuvres qui portent le nom d’Homère..., car l’Iliade étant composée de tant de pièces différentes de style aussi bien que d’invention et de génie, il étoit malaisé de n’en pas rencontrer qui n’eussent quelque rapport à [d’autres], dont on cherchoit l’auteur, et néanmoins les autres pièces qui en étoient différentes en faisoient douter. »

Et c’est pourquoi il est impossible de porter un jugement sur les fautes de l’Iliade : « Si, dans un même ouvrage, toutes ces narrations incidentes sont ennuyeuses et les marques d’un esprit stérile qui laisse languir la grandeur de son sujet, il n’en étoit pas de même dans ces ouvrages séparés où chacun avait suivi son sujet...