Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/87

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C’étoient des poètes qui cherchoient tous à plaire aux princes et aux personnages considérables en faveur desquels ils parloient, et, n’ayant point d’autre vue, ils ne se mettoient pas en peine d’examiner quel rapport leur poème avoit avec un autre dessein. Outre qu’estans tous différens, ils pouvoient dans chacun de leurs ouvrages employer leurs narrations sans se nuire les uns aux autres et sans mal faire en faisant la même chose, et d’autant même que ces poèmes ne se rencontrant pas ensemble ne paroissoient qu’en divers temps et n’avoient point de dépendance les uns avec les autres, et quand même plusieurs auroient été d’un même auteur, toutes ces considérations le laissoient en liberté d’employer le même art et la même manière d’écrire sans ennuyer le lecteur. »

Comprend-on maintenant pourquoi M. Georg Finsler saluait en d’Aubignac le fondateur, le père de notre critique homérique ? Il faut aller plus loin : d’Aubignac ne fut pas seulement le précurseur de Wolf : il en fut aussi le modèle et la victime. Car Wolf, avant d’écrire les Prolégomènes, avait lu et relu (c’est lui qui nous le dit) les Conjectures ; souvent, il n’a fait que mettre en latin telle opinion de d’Aubignac, comme ailleurs il mettait en latin telle dissertation anglaise sur Cicéron[1] ; en deux rencontres, au moins, il a fait mieux encore.

Je pèse ici tous mes mots et ne voudrais parler qu’avec

  1. Cf. Kleine Schriften, I, p. 378 : nam ut eae animadversiones majorem numerum judicum allicerent, partem libri supra laudati ex Anglica in Latinam linguam converti, tum in quibusdam annotationibus seriem mutavi dispersasque ad suos locos revocavi, in omnibus tamen fidem interpretis sedulo praestiti, ubi licebat, verbum e verbo exprimens ; alias sententiam reddens ad Latinam consuetudinem, sed ita ut nihil elegantiae et ceterae gratiae vernaculi sermonis decederet.