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WOZZECK

plus grand sang-froid. Dieu nous préserve de nous emporter contre un homme, contre un homme ! Si encore c’était un Protée qui nous tombât malade ! Mais, Wozzeck, tu n’aurais pas dû p.... contre le mur !

Wozzeck. — Voyez-vous, monsieur le docteur, on a parfois son caractère, son tempérament ! — Mais quant à la nature, c’est autre chose, voyez-vous, quant à la nature (il fait craquer ses doigts), c’est autre chose, comment dois-je dire — par exemple —

Le docteur. — Wozzeck, tu philosophes de nouveau !

Wozzeck. — Oui, monsieur le docteur, quand la nature est à sa fin —

Le docteur. — Quoi, quand la nature……

Wozzeck. — ……la nature est à sa fin quand le monde devient si sombre qu’il faut le tâter avec les mains, qu’on s’imagine qu’il se dissout comme une toile d’araignée. Ah ! si quelque chose existe, et en même temps n’existe pas ! Ah, Marie ! Si tout est sombre, et qu’il n’y a plus qu’une lueur rouge à l’ouest, comme d’une forge, à quoi doit-on se retenir ? (Il marche en tous sens dans la chambre.)

Le docteur. — Drôle ! Tu tâtes partout avec tes pieds, comme avec des pattes d’araignée.

Wozzeck (confidentiellement). — Monsieur le docteur, avez-vous déjà vu quelque chose de la double nature ? Quand le soleil est à midi et qu’il semble que la terre soit en feu, une voix terrible m’a déjà parlé.

Le docteur. — Wozzeck, tu as une aberratio.

Wozzeck (met le doigt à son nez). — Les champignons ! Avez-vous déjà vu sur le sol des cercles de champignons ? Lignes enlacées — figures — c’est précisément cela — qui pourrait lire cela ?

Le docteur. — Wozzeck, tu iras à la maison de fous. Tu as une belle idée fixe, une précieuse aberratio