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le luxe

— Erreur, madame, erreur, je vous le jure, répondait le Lyonnais, votre robe fera fureur. Il suffit que vous la portiez.

— Ce que vous me dites là est très aimable ; mais, en vérité, je ne puis pas risquer une telle aventure. Je serais criblée. »

Le négociant ne se tenait pas pour battu. Il plaidait, en désespéré, sa dernière ressource, suppliant la grande actrice à mains jointes, fesant vibrer toutes les cordes féminines, la vanité, la sensibilité, le besoin des émotions, la soif de l’inconnu. Bref, vaincue par les prières et la ténacité du solliciteur, mademoiselle Mars cède et promet.

La couturière est mandée, et demeure ébahie à l’aspect de ce jaune incongru. Toutefois elle se borne à secouer la tête et se met à la besogne sans observation.

Le jour de l’épreuve est venu. L’actrice, prise de frayeur, regrette fort son imprudence, et n’est pas loin de se croire une Déjanire, essayant par curiosité la tunique de Nessus, avant de l’expédier à son époux. Dans les coulisses, tout le monde regarde avec des yeux effarés la robe jaune. mais n’ose demander à la grande artiste si ce cadeau sort de la garde-robe du Fils du Ciel et lui arrive en droite ligne de Pékin.

Enfin, voici l’instant fatal. Mademoiselle Mars entre en scène demi-morte… Elle n’a pas fait