Page:Baïf - Euvres en rime, t. 2, éd. Marty-Laveaux, 1883.djvu/313

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Luy pourchasser par effet il faudroit.
Quoy ? de mon pere iray-je, déloyalle,
Ainsi trahir la couronne Royalle ?
Et ne sçay quel etranger avolé
De mon secours se verra consolé ?
À fin qu’étant par moy sauf, il deploye
La voile au vent, et qu’un autre en ait joye
En l’épousant ? et que Medee icy
Porte la peine, helas ! de tout cecy ?
S’il pouvoit bien un si grand tort me faire,
Qu’en prendre un autre à mon desir contraire,
Qu’il meure ingrat : Mais la beauté qu’il a,
Et son gent cœur ne me promet cela.
Son œil defend que j’aye deffiance
Qu’il me deçoive, ou mette en oubliance
Mon grand merite : et puis il jurera,
Et me jurant les Dieux attestera
Ains que rien faire : étant bien assuree
Que craindras-tu ? tu as sa foy juree.
Depesche donc et franchy tout arrest.
À tout jamais Jazon redevable est
En ton endroit de sa propre personne
Et de sa vie : à toy seul il se donne :
Te prend à femme : et solennellement
Est ton époux : perpetuellement
Tu acquerras titre de sauveresse :
Et bien veignee en tresgrande allegresse
Tu te verras, des meres qui sçauront
Que leurs enfans de toy leur vie auront.
Donc par les vens hors d’icy emportee
Bien loin sur mer, dans la Grece jettee,
Je quitteray sœur, frere, pere, et Dieux,
Et mon païs ? Ce sont barbares lieux :
Mon pere est rude, et mon frere en bas âge,
Et ma sœur est tout d’un mesme courage
Avecques moy : et puis un Dieu tresgrand
Regne en mon cœur, qui ce fait entreprend :
Ce que je cherche est grand : ce que je quitte