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doit-il être entendu que relativement* à Fétat actuel de nos connaissances, et quoique nos espérances à cet égard soient des plus modestes, nous nous garderions bien d*affirmer que la science a dit son dernier mot sur les rapports soit de l’âme et du corps, soit de l’âme et du principe de la vie organique. Mais ces rapports, dussent ils rester à tout jamais inexpliqués, ’n’en sont pas moins constants en fait, et sont attestés notamment par la formation de certaines pensées à la suite des impressions physiques et par les mouvements que la volonté, la force morale par excellence, détermine dans les organes. V. Stahl, Theoria medica vera ; Cabanis, Rapports du Physique et du Moral de l’homme ; Broussais, De’l’irritation et de la folie ; Bossuet, chap. 3 du Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même, intitulé : De l’Union de l’áme et du corps ; Maine’de Bîran, Nouvelles considérations sur les rapports du Physique el du’Moral de l’homme ; la 1" slection du’ll¢ livre du Cours de Philosophie de M. Daniiron, et les passages de lÈEssai sur l’h-istoire de la philosophie’en France au xixá siècle, du même auteur, auxquels il renvoie pour le développement de quelques-unes des parties du sujet.

Siege de l’ãme. Les rapports de l’âme et du corps, bien quïuexplicables, sont si évidents, que, naturellement, les philosophes ont du s’occuper de chercher quels organes subissent immédiatement l’influence des facultés de l’âme, et, à leur tour, réagissent sur elle. On a été plus loin : on a prétendu trouver à l’âme elle-même un siège matériel. Dans des systèmes où tout est matière ou fonctions de la matière, cela n’est que conséquent. Ainsi, les Epicuriens, qui distinguaient de l’âme en général (anima) le principe intelligent et dominateur (animus), mais qui considéraient également l’un et Feutre’comme formés d’atomes, logeaient celui-ci dans le cœur : Media regwne in corporis hœrel (Lucrèce, Dererum nat., III, Ml), et répandaient celle-la dans toutes les parties du corps ; Cœtera pars cmimœ per totum dissita corpus (id., ibzd., 14/r) ; Uame, à ce point de vue, n’est qu’un organe plus ou moins intimement’uni a’d’autres organes, et peut-être, une fois qu’on est entré dans cette voie, le mieux est de Fidentifier avec un organe’déjà connu, comme Fa l’ait Broussais, par exemple, en affirmant que tr toutes u les facultés de l’homme sont attachées à son encéphale, que l’intelligence, ’que le sentiment sont des phénomènes cérébraux, etc. Sans doute la philosophie rejette de pareilles doctrines ; mais, du’moins, elle ne peut les taxer d’inconséquence, tandis qu’elle s’expose elle-même à ce reproche, lorsqu’elle s’eft’orce de loger quelque part dans Fétendue un principe inétendu et distinct du corps. Platon, , qui composait l’âme humaine de trois ames, l’une appétit ive, l’autre courageuse, la troisième raisonnable, suivi en cela par Galien, plaçait cette dernière dans la téte, l’âme courageuse dans la poitrine, l’âme appétit ive dans le bas-ventre : Aristote et les Stoîciens voulaient qu’elle résidàt dans le cœur. Plutarque (Opinions des Philosophes, liv. IV, c. 5) rapporte encore d’autres opinions des’anciens : Hippocrate et Hiéróphile, dit-il ; logeaient Fàme dans le ventricule du cerveau, Erasistrate dans la membrane de Fépicrùne, Empédocle dans le sang, Straton entre les deux sourcils. Cicéron dit bien plus sagement : u Pour la figure de l’âme et le ll lieu où elle réside, c’est ce qu’il ne faut pas cher«çlinrjt connaître. » (7’uscul., I, 28.) Cela n’a pas empêché Paracelse et Van lielmont’de placer à Forifice ou dans l’intérieur de l’estomac l’âme raisonnable et divine qui, sous le nom d’archée, domine cliezeux les àmesflou archées inférieurs, dispersés, suivant les fonctions qu’ils’ont à remplir, dans les différents organes. on s’étonne de voir Descartes, le père du spiritualisme moderne, s’appliquer à déterminer le siège de l’âme Cl’° partie du traité des Passions ; Principes de la Philosophie, et De l’IIomme, passim), et, non-seulement suivre en cela les errements du matérialisme, mais se contredire lui-même en affirmant tour à tour que « Faine est jointe à tout le corps », et ensuite que tr la partie du corps en laquelle elle exerce immédiatement ses fonctions » est’une petite glande située dans l’intérieur du cerveau, la glande pinéale, à laquelle viennent aboutir en un sens, ’et d’où partent, en sens inverse, tous les mouvements des esprits animaux. Depuis Descartes, philosophes et physiologistes ont attribué successivement ù toutes les parties du cerveau l’honneur de servir de demeure à l’âme, sansque la question ait avancé d’un pas, Il en eut été autrement sans doute, si, au lieu d’entendre la présence de l’âme dans’le corps comme présence locate et corporelle, on Feùt entendue seulement comme présence d’action. De même que Dieu, sans être étendu, ne laisse pas d’être présent partout, de même en ce sens, non-seulement l’âme est présente dans tout le corps, mais on peut admettre qu’elle y est plus immédiatement présente en certaines parties : s’il en est une qui soit la seule où elle reçoive et exerce une action’immédiate et directe, cette partie, sous la réserve qui vient d’être faite, sera le siège unique de l’âme. S’il en est une où elle «agisse ainsi principalement, ce sera son siège principal. La question, ainsi posée, mérite examen. Mais ce n’est que depuis peu de temps que, pour la résoudre, autant que faire se peut, Fon s’y est pris d’une manière convenable, c’est-a-dire par l’observation et l’expérimentation substitués à la méthode hypothétique. En fait, -il paraît probable que l’âme a dans le corps plusieurs siéges principaux (encore une fois, il ne faut entendre par la que des centres d’action), suivant les diíTérentes’fonctions qu’elle y remplit. En ce qui concerne les phénomènes intellectuels, son siège principal est le cerveau proprement dit, c’est-à-dire les hémisphères cérébraux dans leur ensemble, et non telle ou telle partie du cerveau, comme on voyait tout åt Fheure que le prétendent les phrénologistes. Déterminer ainsi exactement-les organes sur lesquels l’âme exerce directement son action, et dont elle sul›it l’influence, e n’vertude cette union du physique et du moral, dont il ne nous sera probablement jamais donné de savoir le dernier mot, tel est, quant ii présent, le seul résultat que Fon puisse raisonnablement espérer, dans cet ordre d’idées et de faits, du concours des recherches physiologiques et de’l’observatiçn philosophique. V. Delondre, Des Opinions des anciens et

des Rec crches des modernes sur le siège de Váme, dans la Revue contemporaine, 31 oct. 1858 ; Flourens, De la oie et de l’intelligence, Ier partie, sect. n, ch. 8. q Origine et destinée de l’áme. Sur la question de Fàme avant son union avec le corps, les données expérimentales font encore plus complètement défaut que sur celle des rapports de l’âme et du corps. Aussi semble-t-il qu’elle ait moins tenté la curiosité des philosophes et des physiologistes. Pour ceux de ces derniers qui n’admettent pas que Famesoit une substance différente a la fois du corps et du principe de la vie animale, la question n”existe même pas. Evidemmentil n’y a pas lieu de chercher ce qu’était, avant son union avec le corps, co qui, même dans Fétat présent, n’a pas d’existence propre. Les fonctions dont le mot. âme, dans ce système, :Fest que le signe abstrait, ont commencé à avoir lieu à mesure que se sont formés, développés et afl’ermis les organes destinés a les produire. Quoi qu’íl faille penser de cette manière commode de résoudre les questions en les’supprimant, nous“ne croyons pas que le spiritualisme, de son côté, ait été plus heureux sur celle-ci que sur la précédente. La métempsycose pythagoricienne, à laquelle se rattache la préexistence des ames de Platon (V. ces mots) ; dans Aristote, ’une’théorie vague et tout hypothétique qui, de l’âme nutritive, la seule que possède Fenfant dans le sein de sa mère, fait naître Fàmesonsible et motrice, puis de celle-ci l’âme raisonnable (De générations animaliztm, I, l) ; le système dit de la traduction, qui considère l’âme des enfants comme engendrée (per traducem) de Fàme des parents, et dans lequel S’Augustin a cru trouver l’explication de la transmission ’du péché originel ; derechef, dans les systèmes cartésiens, la croyance, au moins implicite, à la préexistence des âmes ; le pantliéisme, qui fait de l’âme humaine un simple phénomène, développé, par suite de lois nécessaires et a un jour donné, sur le fond de la substance divine ; voila a peu près tout ce que Fon peut citer ; en somme, rien que des hypothèses, qui pour la plupart ne résolvent même pas la difficulté et ne font que la reculer. Cette question doit donc être considérée comme une de celles qu’il ne faut pas, ’sans doute, perdre entièrement de vue, mais dont’Dieu, créateur du corps et de l’âme, et auteur de leur union, s’est, pour toujours peut-être, réservé le’secret. Quant à la destinée de Fàme, il en sera traité ailleurs. (V. Innonrmmriã.) B-iz. ms pas nanas. Les bètes ont-elles une ame ? y a-t-il chez elles un principe différent à la fois du corps et du principe de la vie organique, et capable, dans une certaine mesure, des fonctions qu’accomplit l’âme humaine ; capable, par exemple, de sentir et de penser ? Toutes les habitudes extérieures de Fanimal, surtout dans les espèces les plus élevées, nous donnent lieu de le croire ; et l’antiquité philosophique, sans avoir expressément posé cette question, paraît Favoir implicitement résolue par Faffirmative, soit dans les écoles de’Pythagore et de