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LE SERVITEUR

muser. Et, tandis que la première s’arrête à l’ombre de la haie pour rêver, la troisième va s’assurer de près que les épis, déjà liés en gerbes, n’ont pas des barbes plus longues que la sienne.

Tu sais bien que je n’exagère pas. Calme et doux, tu avais hérité, de ta longue série d’ancêtres rudes et narquois, le sens de la plaisanterie naturelle, et comme naïve, et comme ingénue. Tu n’y pensais même pas. Tu dois te rappeler aussi l’histoire de Jules Ferry.

Quand j’avais sept ans, ces deux mots pour moi n’en faisaient qu’un, et de ma plume d’élève tout nouveau des Frères, j’aurais écrit tout simplement : Julferri. Et c’est bien sous cet aspect, en un seul mot si j’ose dire, que je le revois, celui de nos jeunes poulets que tu avais surnommé ainsi. Il avait, lui, non de la barbe sous le bec, mais une touffe de plumes de chaque côté du bec ce qui lui donnait un aspect de jeune homme grave. Depuis, à défaut de Jules Ferry en personne, j’ai vu son portrait. J’en demande pardon à sa mémoire : notre poulet lui ressemblait étonnamment. Tu ne t’étais pas trompé.