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LE SERVITEUR

me tenait lieu de hutte. Je m’y voyais à l’abri de la faim et du froid. Si je frissonnais, ce n’était que de bien-être. Bien calé sur ma chaise, je baignais dans le sentiment de ta force. Quand je te voyais faire tes calculs, mettre de côté l’argent pour les dépenses ordinaires du mois, et pour le bois, et pour le charbon, et pour une paire de sabots, je me disais que nous ne serions jamais pris au dépourvu, que nous n’étions pas une de ces familles qui vivent au jour le jour, et que tu n’étais pas de ces hommes qui, leur tâche quotidienne achevée, se disent qu’ils en ont bien assez fait, et allument leur pipe. C’est toi qui, sans le faire exprès, par ton seul exemple, m’as fait découvrir le sens d’une certaine vie, de tous ceux qui, comme nous, ne peuvent compter que sur leur propre effort, de la vie de tous ceux qui, un peu avant ou un peu après la trentaine, ont à cœur de vivre dans une maison qui ne soit pas un caravansérail, ni une chambre d’hôtel où tous les passants se succèdent.

Tantôt nous entendions frapper à la porte, et alors tu bougonnais, disant :

— Allons ! On va encore se coucher tard, ce