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LE SERVITEUR

M. Teste était parfois brusque pour toi. Tu ne lui en gardais pas rancune. Les grands hommes ont le droit de n’être pas comme nous autres qui dépendons d’eux et qui, surtout, connaissons beaucoup moins de choses. Où aurais-tu trouvé à gagner 388 fr. 60 par an si tu t’étais fâché ? Et, surtout, que serait devenue l’inégalité sociale obligatoire si tu lui avais répondu ?

Aujourd’hui, il n’est pas loin de toi.

D’autres maisons te retenaient beaucoup moins que celle de M. Teste. Tu ne leur consacrais que quelques journées par an. C’est ainsi que tu sciais le bois des Frères et celui de M. le Curé. Tu soignais particulièrement ce travail. Aux bûches on n’eût pas découvert une écharde.

Beaucoup de ceux qui t’ont fait travailler ne t’ont pas connu. Tu étais pour eux un ouvrier pareil aux autres. Quand le crépuscule, sauf en été, amenait la fin de ta journée chez eux, il leur arrivait de te dire :

— Pierre, donnez donc un coup de main pour rentrer le bois dans la cuisine.

Tu ne leur comptais pas ton quart-d’heure, ta demi-heure de travail supplémentaire. Pour