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LE SERVITEUR

je les vois, merveilleux de netteté. Le vent des déserts souffle sur leurs longues barbes.

Dans quinze jours, ils arriveront à la crèche. C’est aujourd’hui qu’ils se mettent en marche.

La messe commence. Je suis assis sur mon tabouret d’enfant de chœur. J’ai beau rêver : mes yeux clignotent nerveusement. Mais ce ne peut être que la faute des bougies et des lustres. Je vais bientôt avoir douze ans : je suis de taille à passer une nuit blanche.

C’est une tradition que, tous les ans, du haut de la tribune où pendent les cordes des cloches, où dort un vieil harmonium que l’on ne réveille que lors des grandes fêtes, le menuisier chante Minuit, Chrétiens ! Il y a peut-être, dans la petite ville, de meilleurs chantres qui connaissent, si peu que ce soit, la musique. Mais aucun n’a des poumons aussi solides, une voix qui se répande si pleinement jusqu’au fond de l’église. Dans le chœur, Thomas n’a qu’à se bien tenir et qu’à dévorer en silence sa honte. Tout à l’heure, à l’Agnus Dei, il prendra sa revanche. La mélodie part de la tribune. Je ne l’entends pas : je la vois. Il faut qu’elle fasse tout le tour de l’église. Or elle est partout à la