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LE SERVITEUR

vendredi ramène l’exercice du chemin de la croix à l’église. Tu t’arrêtes avec le clergé devant chacun des quatorze tableaux où l’on voit des soldats romains armés de la lance, les filles de Jérusalem éplorées, des chevaux blancs qui se cabrent. Les lumières de la messe de minuit sont éteintes. Nous sommes pareils à des ombres qui circulent le long des nefs obscures. Il semble que toute la détresse humaine se soit réfugiée ici et que la terre doive se casser en morceaux si Dieu ne serre pas le globe dans sa main. Les statues elles-mêmes souffrent. À partir du dimanche de la Passion tu les recouvres de voiles violets pour qu’on ne voie point leur visage. Sans doute, c’est un peu le printemps qui entre dans l’église, huit jours avant Pâques, avec ces rameaux que jeudi dernier nous avons coupés dans le bois de la Cascade ; mais les ornements sont plus violets que le buis n’est vert. Sans doute tu les entends bruire aux mains des petits qui font exprès de les agiter ; mais tu écoutes surtout la récitation du long évangile selon saint Mathieu. Et les événements se précipitent. Le Jeudi saint les cloches s’en vont, et l’église n’a plus de voix ;