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LE SERVITEUR

nostalgie te prit du Morvan. Dans ces pays plats plantés de vignes tu ne te trouvais pas chez toi. On sentait partout l’odeur forte de la pressure. À perte la maison fut vendue. Vos meubles furent chargés sur un chariot attelé de deux bœufs, et ce fut le retour au pays natal que depuis des années tu n’avais pas vu.

Je te vois découvrant, du dernier tournant de la route, l’église neuve. Le clocher de la vieille ne montait pas aussi haut dans le ciel, mais il me semble qu’il le touchait quand même de plus près.

Je te vois marchant derrière le chariot et rentrant, à l’âge de trente-quatre ans, dans ton pays que désormais tu ne devais plus quitter. Sous son apparente uniformité, ta vie avait été mouvementée. Pour ne s’être pas brisée sur de magnifiques écueils, pour n’avoir pas été poussée vers ces rivages classés où seules échouent les destinées illustres, elle n’en avait pas moins passé de vague en vague. Nos étangs ne sont pas comme la mer bouleversés par la tempête. J’ai vu le vent rider notre lac des Settons. Je l’ai vu aussi creuser l’Atlantique. À dater de ce jour ta vie rentrait à son port d’attache. L’ancre