Page:Bacon - Œuvres, tome 12.djvu/388

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Parmi ces qualités nécessaires pour faire fortune, les Italiens en comptent quelques-unes dont on ne se douteroit guère.

    ou sot, est une maison à louer, dont le plus adroit flatteur devient le premier locataire ; tout homme se loue volontiers à celui qui le loue ; et le plus sûr moyen pour trouver beaucoup d’aides, c’est d’aider les hommes à s’admirer. Mais, comme ce moyen est un peu criminel et avilissant, en voici un autre qui est conforme aux règles de la prudence, sans déroger aux loix de la justice : laissez à chaque individu la bonne opinion qu’il a de lui-même, et il vous abandonnera volontiers tout le reste, car tout travail mérite salaire. Or, non-seulement c’est une très pénible corvée que de prêter son esprit à un sot qui paie pour être admiré ; mais c’en est déjà une assez grande que de se taire devant un sot qui s’admire tout haut : la charité chrétienne ne commande pas de l’interrompre, et ne défend pas de recueillir les fruits naturels de ce pénible silence. Or, ce moyen est universel  ; car la sottise est en raison inverse de l’esprit qu’on a, et en raison directe de celui qu’on croit avoir : or, il n’est point d’homme spirituel qui ait assez d’esprit pour ne s’en pas croire un peu plus qu’il n’en a, et qui ne soit assez sot pour croire tout le bien qu’on dit de lui.