Page:Bacon - Œuvres, tome 6.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quoique l’homme ait, par sa seule volonté, beaucoup plus de pouvoir et d’em-

    ément telles qu’elles sont, qu’être libre, c’est se croire tel ; c’est-à-dire, se croire en état de satisfaire aisément ses besoins et ses goûts naturels, quelle que soit d’ailleurs la nomenclature et la couleur du poil de La bête ainsi affranchie. Quoiqu’il en soit, cette différence de nourriture pourroit peut-être à la longue changer le naturel de ces animaux. Car c’est parce qu’ils ont telle constitution physique, qu’ils sont carnivores, et c’est aussi parce qu’ils sont carnivores qu’ils ont cette constitution ; l’influence de la constitution et de la nourriture étant réciproque. Ce que nous appelons le naturel, n’est qu’une certaine habitude, ou dans l’individu même dont il s’agit, ou dans les deux qui l’ont engendré ; ou dans ceux dont ils sont issus eux-mêmes, ou enfin dans la matière dont les uns et les autres sont composés. Je soupçonne que si l’on nourrissoit uniquement de végétaux, dix ou douze générations de chats ; vingt même ou trente si l’on veut, ceux de la dernière ne prendroient plus de souris, et n’auroient pas même de griffes ; c’est une expérience à tenter ; par la même raison des chevaux nourris de chair seroient plus vigoureux et plus féroces. Ceux d’entre nos lecteurs qui auroient su observer en eux-mêmes la différence prodigieuse