Page:Bacon - Œuvres, tome 8.djvu/207

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l’ente donneroit des fruits plus gros que ceux des arbres de son espèce[1] ; mais,

  1. Toutes choses égales, la grosseur du fruit doit être proportionnelle à la quantité de sève fournie à la branche qui le porte : or, la sève est fournie à l’ente par le tronc qui l’a adoptée : ainsi plus ce tronc a de sève, plus les fruits que donne l’ente, doivent être gros. Ce raisonnement paroit d’une rigueur géométrique, et n’en vaut peut-être pas mieux. Il est exact, si, en raisonnant, j’ai eu égard à toutes les causes qui peuvent faire grossir le fruit. Or, ne connoissant pas toutes ces causes, je n’ai pu y avoir égard dans mon raisonnement. Je ne puis donc savoir s’il est exact, qu’après avoir vu l’expérience y apposer son sceau ; il en est de même de tous les autres. Toutes les conjectures du plus puissant génie ne valent pas un grain de bled ; cependant, comme on ne se détermine à tenter une expérience qu’après avoir conjecturé que le moyen qu’on veut employer peut produire l’effet qu’on veut obtenir, des conjectures immédiatement déduites de l’expérience sont non-seulement utiles, mais même nécessaires. L’analogie est le guide qui mène de l’expérience qu’on a, à celle qu’on n’a pas ; et quoiqu’il y ait de mauvais guides, il ne s’ensuit pas qu’il ne faut point de guides : mais, pour arriver, il faut faire le voyage ; et la carte du pays n’est pas le pays même.