Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/23

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commerce, et la reprendre plus tard, quand je ne serai décidément bon à rien ! C’est alors que j’ai pensé à toi, mon cher Michel. Si rien ne te retient en France, pourquoi ne viendrais-tu pas me retrouver ici, où ton avenir serait assuré et où, dès à présent, tu pourrais compter sur une existence des plus larges et des plus agréables ? Quand je pense à la vie mesquine que vous menez là-bas, alors même que votre fortune vous permet un certain luxe ; et surtout au milieu de quelles tracasseries, de quelles vexations de tout genre vous vous débattez, j’en hausse les épaules de pitié. Et dire que si j’avais écouté mes parents, qui certes ne voulaient que mon bien, mais dont la nature timorée s’effarait de la moindre initiative, je serais sans doute aujourd’hui un sous-chef de bureau en retraite, ou un ancien commerçant retiré des affaires, avec trois mille francs de revenus amassés péniblement à force d’économies et de privations ! Et encore rien de moins certain. Avec mon humeur indépendante, il est probable que je n’aurais fait que des bêtises, et que je serais devenu une espèce de meurt-de-faim, inutile ou plutôt nuisible aux autres et à moi-même ; tandis qu’aujourd’hui j’ai un comptoir d’échanges qui me rapporte bon an mal an, presque sans risques sinon sans peine, une soixantaine de mille francs, et mon compte à la banque Roux et Frayssinet frères s’élevait à la fin du mois dernier à deux millions tout ronds qui ne demandent qu’à faire des petits. Avec un peu plus de fatuité, je pourrais me dire en outre que j’ai créé dans un pays perdu, ou à peu près, un établissement qui n’est pas sans intérêt, et travaillé dans mon petit coin au développement du commerce et de la prospérité de la France. Ah ! pourquoi