Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/255

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bruits les plus extravagants. Tantôt c’était un soi-disant télégramme apporté par un schooner américain, annonçant que la guerre avait éclaté entre la France et l’Angleterre, et que nos troupes, craignant de voir arriver une escadre britannique, se rembarquaient précipitamment. Tantôt c’était un des généraux hovas qui, par une manœuvre des plus habiles, avait attiré les Français dans un piège, massacré deux mille hommes du Régiment d’Algérie et repris Mavetanana de vive force. Ou bien on venait de recevoir la nouvelle que le Génie hova avait fait sauter une digue et que plus de mille soldats français avaient été noyés. En même temps, pour exalter l’enthousiasme des Mahomitas, on tenait sur la place d’Andohalo de nombreux kabarys, pendant lesquels le Premier Ministre et ses secrétaires les objurguaient, avec des flots d’éloquence intarissables, de ne point se décourager, leur promettant que pas un Vasaha ne sortirait vivant de Madagascar ; alors même que ces maudits réussiraient à s’approcher de Tananarive, ils seraient enveloppés, comme dans un immense coup de filet, par des masses innombrables de guerriers venus de tous les points de l’île. Mais, avant qu’ils arrivassent jusque-là, le passage leur serait chaudement disputé à Kinajy et à Maharidaza ; si cela ne suffisait pas à les arrêter, ils trouveraient devant eux, dans les environs de Babay, trente mille hommes bien armés, à la tête desquels le Premier Ministre et la Reine elle-même iraient se mettre. Les Français fussent-ils quinze mille, comme un homme vaut un autre homme, on les tuerait tous, et il resterait encore quinze mille guerriers hovas pour rentrer triomphalement à Tananarive. Enfin, alors même que ces misérables