Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Se reprenant à espérer contre toute espérance, Michel redoubla d’efforts pour tâcher au moins d’atténuer les souffrances de sa femme ; il agitait l’air autour de sa tête avec un écran, essayant de lui donner une sensation de fraîcheur, et, la soulevant avec précaution pour l’aider à respirer, il lui parlait doucement, tendrement, comme on parle à un enfant malade, lui disant qu’elle allait mieux, que ce ne serait rien, que dans quelques jours elle serait rétablie, qu’elle pourrait s’occuper de nouveau de sa chère maison, de ses belles vaches, de ses poules.

Sur les lèvres décolorées de la moribonde, quelque chose comme un sourire navrant glissa. Michel se pencha davantage encore et il l’entendit murmurer d’une voix toute changée qui semblait venir de très loin :

« Michel !… je n’ai jamais aimé que toi au monde… Toi et les enfants !… Ne vous quittez jamais !… ne vous séparez jamais !… Michel,… Michel,… je t’aime ! »

Puis, elle ajouta encore, comme un appel :

« Henri ! »

Le pauvre enfant s’approcha et, sans dire autre chose que ces mots, qu’il put à peine articuler : « Maman ! maman ! » il se pencha sur le visage déjà glacé de sa mère.

« Ton père ! dit-elle, d’un souffle de plus en plus haletant,… ton père aura besoin de toi !… Tu le consoleras… Tu lui rendras courage… Promets-moi… que tu seras un homme,… mon enfant,… mon grand !… Promets-le-moi ! »

Puis, sur un geste de la mourante, ce fut le tour de Marguerite de s’approcher ; à demi couchée sur le lit, elle vint poser sa joue brûlante contre la joue glacée de la mourante.