Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/86

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« Ma petite Marguerite,… mon enfant chérie !… murmura celle-ci… Je te les donne… Tu me remplaceras,… tu seras la petite maman… Aime-les bien… Aimez-vous bien tous les trois… Et n’oubliez pas !… Pensez à moi quelquefois… Pense à ta pauvre maman, Marguerite ! »

Puis elle se tut, épuisée. Deux grosses larmes roulèrent, sous ses paupières refermées, jusque sur les mains de Michel. Bientôt après, elle tomba dans le coma ; une sueur visqueuse et froide l’envahit tout entière ; le pouls était devenu insaisissable, la vie s’en allait peu à peu.

Michel essaya encore de la ranimer en lui faisant sous la peau deux piqûres d’éther : les paupières se soulevèrent avec effort, découvrant des yeux dont la prunelle était à peine visible. Cependant Michel sentit la pauvre main de la mourante se crisper dans la sienne et crut voir en même temps ses lèvres s’agiter faiblement, comme si elle eût voulu parler. Il se pencha sur elle, l’oreille presque collée à sa bouche, mais il ne put saisir aucun son et un souffle presque froid vint le frapper au visage.

Le malheureux était à bout de forces. Les larmes débordaient de ses yeux, quoi qu’il fît pour les retenir. Ses idées devenaient confuses. Par moments, il était obligé de faire appel à toute son énergie pour ne pas tomber sans connaissance sur le corps de la mourante.

Elle vécut encore jusqu’au matin.

A huit heures, dans une suprême poussée de vie, elle ouvrit tout grands ses yeux si doux naguère, et ses lèvres laissèrent passer avec son dernier souffle ces trois mots : « Michel ! Les enfants ! » Puis les yeux se refermèrent pour toujours, pendant que la bouche demeurait ouverte et le front s’inclina de côté, inerte.