Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/107

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entier de la maniére qu’on l’enseigne dans les ecoles des jésuites, avant qu’on entreprenne d’élever son esprit au dessus de la pédanterie, pour se faire sçavant de la bonne sorte.

je dois rendre cét honneur à mes maîtres, de dire qu’il n’y a lieu au monde où je juge qu’elle s’enseigne mieux qu’à La Fléche . Outre que c’est ce me semble un grand changement pour la prémiére sortie de la maison paternelle, que de passer tout d’un coup dans un pays différent de langue, de façons de vivre, et de religion : au lieu que l’air de La Fléche est voisin du vôtre. Comme il y va quantité de jeunes gens de tous les quartiers de la France, ils y font un certain mélange d’humeurs par la conversation les uns des autres, qui leur apprend quasi la même chose que s’ils voiageoient. Enfin l’égalité que les jésuites mettent entre-eux, en ne traittant guéres d’autre façon les plus relevez que les moindres, est une invention extrémement bonne, pour leur ôter la tendresse et les autres défauts qu’ils peuvent avoir acquis par la coûtume d’être chéris dans les maisons de leurs parens.

Le cas que M Descartes a toujours fait du collége de La Fléche n’étoit qu’un effet de l’estime qu’il avoit conçûë pour ses maîtres, et qu’il a eu soin d’accompagner d’une reconnoissance perpétuelle pour l’obligation qu’il leur avoit de ses études. Ses lettres sont remplies des marques de son souvenir, et du respect qu’il a toujours conservé pour les jésuites qui lui avoient donné leurs soins en particulier, et généralement pour toute leur compagnie. Il n’a point fait de livres, dont il n’ait eu soin de leur présenter des éxemplaires en grand nombre. Il n’a point fait de voyage en France aprés en avoir quitté le sejour, qu’il ne leur ait rendu ses devoirs par de fréquentes visites, et qu’il ne se soit détourné du grand chemin de Rennes, pour retourner à La Fléche faire honneur à son éducation, et recuëillir ses anciennes connoissances. Enfin, il n’a jamais rougi de se faire passer pour le disciple des jésuites, même dans les derniéres années de sa vie, et de leur offrir de se corriger sur leurs avis avec la même docilité qu’il avoit autrefois euë pour leurs instructions.

Mais s’il étoit satisfait de ses maîtres au sortir du collége, il ne l’étoit