Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La solitude de M Descartes pendant cet hiver étoit toûjours fort entiére, principalement à l’égard des personnes qui n’étoient point capables de fournir à ses entretiens. Mais elle ne donnoit point l’exclusion de sa chambre aux curieux, qui sçavoient parler de sciences, ou de nouvelles de littérature. Ce fut dans les conversations de ces derniers qu’il entendit parler d’une confrérie de sçavans, établie en Allemagne depuis quelque tems sous le nom de fréres de la rose-croix . On luy en fit des éloges surprenans. On luy fit entendre que c’étoient des gens qui sçavoient tout, et qu’ils promettoient aux hommes une nouvelle sagesse, c’est-à-dire, la véritable science qui n’avoit pas encore été découverte. M Descartes joignant toutes les choses extraordinaires que les particuliers luy en apprenoient, avec le bruit que cette nouvelle societé faisoit par toute l’Allemagne, se sentit ébranlé. Luy qui faisoit profession de mépriser généralement tous les sçavans, parce qu’il n’en avoit jamais connu qui fussent véritablement tels, il commença à s’accuser de précipitation et de témérité dans ses jugemens. Il sentit naître en luy-même les mouvemens d’une émulation dont il fut d’autant plus touché pour ces rose-croix, que la nouvelle luy en étoit venuë dans le têms de son plus grand embarras touchant les moyens qu’il devoit prendre pour la recherche de la vérité. Il ne crut pas devoir demeurer dans l’indifférence à leur sujet, parce (disoit-il à son ami musée) que si c’étoient des imposteurs, il n’étoit pas juste de les laisser joüir d’une réputation mal acquise aux dépens