Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/253

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à qui il prétendoit consacrer tous ses talens. Ce n’étoit pas la théologie naturelle, mais seulement celle de révélation qu’il excluoit de ses desseins. Il est bon de l’entendre s’expliquer au P Mersenne sur ce sujet. Pour vôtre question de théologie, dit-il, quoi qu’elle passe la capacité de mon esprit, elle ne me semble pas toutesfois hors de ma profession, parce qu’elle ne touche point à ce qui dépend de la révélation, ce que je nomme proprement théologie : mais elle est plûtôt métaphysique, et elle se doit éxaminer par la raison humaine. Or j’estime que tous ceux à qui Dieu a donné l’usage de cette raison sont obligez de l’employer principalement à le connoître, et à se connoître eux-mêmes. C’est par là que j’ay tâché de commencer mes études. Et je vous diray que je n’eusses jamais sçû trouver les fondemens de la physique, si je ne les eusses cherchez par cette voye. Mais c’est la matiére que j’ay le plus étudiée de toutes, et dans laquelle, graces à dieu, j’ay trouvé assez de satisfaction. Au moins pensé-je avoir trouvé comment on peut démontrer les véritez métaphysiques d’une façon qui est plus évidente que les démonstrations de géométrie. Je dis cecy selon mon jugement, car je ne sçay pas si je le pourrois persuader aux autres. Les neuf prémiers mois que j’ay été en ce pays je n’ay travaillé à autre chose, et je croy que vous m’aviez déja oüy dire auparavant que j’avois fait dessein d’en mettre quelque chose par écrit, mais je ne juge pas à propos de le faire que je n’aie vû prémiérement comment la physique sera reçûë. Si toutesfois le livre dont vous parlez étoit quelque chose de fort bien fait, les matiéres qu’il traite sont si dangereuses que je me sentirois peut-être obligé d’y répondre sur le champ, s’il me tomboit entre les mains. Mais je ne laisseray pas de toucher dans ma physique plusieurs questions métaphysiques, et particuliérement celle-cy ; que les véritez mathématiques que vous nommez éternelles ont été établies de Dieu et en dépendent entiérement, aussi bien que tout le reste des créatures. C’est en effet parler de Dieu comme d’un Jupiter ou d’un Saturne, et l’assujettir au styx et au destin, de dire que ces véritez sont indépendantes de lui. Ne craignez point, je vous prie, d’assurer et de publier par tout, que c’est Dieu qui a établi