Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vous envoyer mon monde pour ces étreines ; et il n’y a pas plus de quinze jours que j’étois encore tout résolu de vous en envoier au moins une partie, si le tout ne pouvoit être transcrit pour ce têms-la. Mais je vous diray que m’êtant fait enquerir ces jours passez à Leyde et à Amsterdam si le systéme du monde de Galilée ne s’y trouveroit point, parce que j’avois appris qu’il avoit été imprimé en Italie l’année derniére : on m’a mandé qu’il étoit vray que le livre avoit été imprimé, mais que tous les exemplaires en avoient été brûlez à Rome dans le même têms, et l’auteur condamné à quelque amende. Ce qui m’a si fort étonné, que je me suis presque résolu de brûler tous mes papiers, ou du moins de ne les laisser voir à personne. Car je n’ay pû m’imaginer qu’un homme qui est italien, et qui plus est trés-bien venu du pape, à ce que j’apprens, ait pû être criminalizé pour autre chose, que parce qu’il aura sans doute voulu établir le mouvement de la terre, que je sçay bien avoir été autrefois censuré par quelques cardinaux.

Mais je croyois avoir oüy dire que depuis ce têms-là on ne laissoit pas de l’enseigner publiquement, même dans Rome ; et j’avouë que si ce sentiment du mouvement de la terre est faux, tous les fondemens de ma philosophie le sont aussi, parce qu’il se démontre par eux évidemment. Il est tellement lié avec toutes les parties de mon traitté, que je ne l’en sçaurois détacher sans rendre le reste tout défectueux. Mais comme je ne voudrois pour rien du monde qu’il sortît de moy un discours, où il se trouvât le moindre mot qui fût desaprouvé par l’eglise : aussi aimé-je mieux le supprimer, que de le faire paroître estropié.

Toutes les choses que j’expliquois dans mon traitté (parmi lesquelles se trouve aussi cette opinion du mouvement de la terre, condamnée comme hérétique dans le livre de Galilée) dépendoient tellement les unes des autres, que c’est assez pour moy de sçavoir qu’il y en ait une qui soit fausse, pour me faire connoître que toutes les raisons dont je me servois n’ont point de forces. Quoique je les crusses appuyées sur des démonstrations trés-certaines et trés-évidentes, je ne voudrois toutesfois pour rien du monde les soutenir contre l’autorité de l’eglise. Je sçay qu’on pour