Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/358

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M Descartes d’avoir voulu faire le maître et le docteur dans ce traité, que ce n’est pas une méthode qu’il eût jamais eu la pensée de prescrire aux autres, mais qu’il avoit suivie lui même, par le droit que lui donnoit la liberté de se conduire selon les lumiéres naturelles qu’il avoit reçûës de Dieu. Ses adversaires ont trouvé dans ce discours de la méthode moins d’ordre, moins de régularité, que dans l’organe d’Aristote ; et ils ont crû que c’étoit le moins méthodique de ses ouvrages.

Aussi faut-il avoüer que c’est moins un traité dogmatique de sa philosophie, qu’une narration familiére de ses études et de ses imaginations, qu’il a crû devoir écrire d’un stile simple et négligé, pour être plus clair, et pour se rendre plus intelligible aux esprits les plus médiocres. Mais personne ne mérite mieux d’être écouté sur les défauts de ce traité que lui même. Il contoit pour rien cette prétenduë négligence que ses adversaires y appercevoient, et cette confusion que le mélange des matiéres morales, physiques, et métaphysiques sembloit y produire. Il paroissoit indifférent à ces défauts, si l’on excepte l’obscurité, qu’il reconnoissoit dans l’article où il avoit essayé de parler de l’éxistence de Dieu. Voici comme il s’en excusa à un pére jésuite qui lui avoit rendu des témoignages fort avantageux de ce traité, et des autres qu’il y avoit joints. Il est vray que j’ay été trop obscur en ce que j’ay écrit de l’éxistence de Dieu, dans ce traité de la méthode. Et quoi que ce soit la piéce la plus importante, j’avouë que c’est la moins travaillée de tout l’ouvrage : ce qui vient en partie de ce que je ne me suis résolu de l’y joindre que sur la fin, et lors que le libraire me pressoit.

Mais la principale cause de son obscurité vient de ce que je n’ay osé m’étendre sur les raisons des scéptiques, ny dire toutes les choses qui sont nécessaires pour dégager l’esprit des sens. Car il n’est pas possible de bien connoître la certitude et l’évidence des raisons qui prouvent l’éxistence de Dieu selon ma maniére, qu’en se souvenant distinctement de celles qui nous font remarquer de l’incertitude dans toutes les connoissances que nous avons des choses matérielles : et ces pensées ne m’ont point paru propres à mettre dans un livre, où j’ay voulu que les femmes mêmes pussent entendre quelque chose, tandis que