Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/423

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inutile dans cét exemple. Mais il n’a point satisfait à ce que je luy avois proposé, qui n’étoit pas de trouver cette tangente, vû qu’il la pouvoit avoir de ma géométrie, mais de la trouver en ne se servant que de sa prémiére régle, puisqu’il l’estimoit si générale et si excellente. Il eût été sans doute plus avantageux pour luy de ne point parler de cette tangente, parce que le grand bruit qu’il en fait donne lieu de croire qu’il a eu beaucoup de peine à la trouver, et de remarquer que son silence sur les autres choses que je luy ay objectées est un témoignage qu’il n’a rien eu à y répondre, et qu’il ne sçait pas encore le fondement de sa régle. J’avoüe que depuis qu’il a vû ce que j’ay mandé qu’on y devoit corriger, il ne peut plus ignorer le moyen de s’en servir. Mais s’il n’a point eu communication de ce que j’ay mandé depuis à M Hardy touchant la cause de l’élision de certains termes qui semble s’y faire gratuitement, il me permettra de douter encore qu’il la sçache démontrer.

Voilà ce que M Descartes manda secrétement au Pére Mersenne touchant la conduite de M De Fermat, mais sans prétendre qu’elle dût causer la moindre altération dans leur amitié. Au lieu d’insister davantage sur un sujet de si petite importance, il aima mieux s’en remettre à la vérité, à la force de laquelle il ne desespéroit pas de voir un jour céder l’esprit de M De Fermat, et celuy de M De Roberval.

Cependant M De Fermat ne vouloit rien diminuer de la bonne opinion qu’il avoit une fois conçûë de sa régle et de sa méthode. Il avoit raison sans doute de l’estimer aprés l’avoir corrigée sur les réfléxions que M Descartes luy fit faire : mais il fit connoître qu’il étoit homme en feignant que c’étoit la même qu’auparavant, comme s’il n’y eût point apporté de changement. Cela luy produisit de têms en têms de légéres contestations, non pas avec M Descartes qui devoit son têms et ses talens à autre chose qu’à la dispute, mais avec le jeune Gillot que M De Fermat appelloit son écolier ; avec M Chauveau son ancien compagnon de classe au collége de La Fléche ; et avec d’autres mathématiciens de Paris, qui depuis cét éclat se déclaroient cartésiens de jour en