Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/115

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soleil, mon patron. Ceux de là-bas tenaient à moi. Ils m’avaient dit :

— Remettez-vous : vous reviendrez. En attendant, nous vous enverrons notre feuille. Tenez-vous au courant.

Me tenir au courant ! J’en faisais des boulettes, de leur feuille. Comme de celle-ci. Parfois, je me disais :

— Tout de même tu es dans le vrai. Ce bon fossé de mousse où tu reposes, cette paire de sabots où tes pieds sont à l’aise, cette cloche quelque part qui pense encore à Dieu, rien de tel pour réduire à leur valeur le contenu d’une jupe à la mode ou les grimaces d’un arriviste.

Au fait, tu connais cela, toi. Mon vieux, quand on a commencé une si bonne cure, on devrait la continuer et ne guérir jamais. Moi, je guéris. Du moins, je le crus. Car au fond, bazarder, comme je le fis, mes poules, lâcher ma baraque, rentrer en ville, fallait-il que je fusse encore malade ! Il faut vivre, n’est-ce pas ? Comme l’a dit quelqu’un de ma connaissance, vivre c’est faire le mort.

Rentrer en ville, après deux années de retraite, c’est cela qui vous donne un coup. On prétend que les choses ont changé depuis la guerre.