Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/124

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« Inutile, possédons guides », il ne comprenait pas et décrivait de plus belle. À Douvres, c’était un vieux routier, Jean Lhair. Jean Lhair avait un faible pour les alcools anglais. Il s’en trouvait bien sans doute. Trois télégrammes par jour : « Rien ». Le troisième s’allongeait de ces mots : « Note pour la direction, envoyez fonds ». Après quoi, je le savais, je ne recevrais plus rien.

Enfin, le septième soir, vers le coucher du soleil, le vent tomba et deux télégrammes m’arrivèrent coup sur coup. L’un :

— Breda. Ils sont partis.

L’autre :

— Douvres. Je les espère.

Attendre ne m’avait pas été inutile. J’avais réfléchi. Je regrettai ma joie mauvaise du premier jour. Je m’étais dit :

— Les journaux ont beau s’en servir pour se tailler de la réclame, ces hommes, après tout, sont autre chose que de la matière à reportage. Ils ont du cran. Ce qu’ils font est beau.

Mes télégrammes en main, je sentis ce petit frémissement d’enthousiasme qui inspire les bêtises — les bonnes bêtises — et j’en commis une impardonnable pour un journaliste : je fis de la littérature.