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Ma seconde histoire date d’un an ou deux plus tard. Qu’était devenu le piotte ? On eût fouillé toute la ville, on n’en eût pas trouvé un seul. On ne voyait plus que des Boches ; comme on disait on n’en voyait que trop.

Quand on en rencontrait, il fallait faire mine de ne pas les apercevoir. On regardait devant soi ; on se tenait très raide ; on montrait en somme qu’ils n’existaient pas, qu’à cent mille ils n’eussent pas existé davantage. Dame ! on était irréductible et c’était crâne, surtout quand on se trouvait nez à nez avec le général von Machin ou l’oberleutenant von Autremachin.

Celui dont il s’agit n’était rien de tout cela. Il venait d’arriver. Il attendait son tramway. Une grosse capote, le fusil en travers, un sac sur l’épaule, un sac sur le flanc, c’était bien un soldat. Mais on eût dit plutôt un colis mal agencé pour le voyage.

Pour les autres, Bruxelles était peut-être ein scheune stad. Mais pour lui, ce flingot, ces paquets, ces gens qui le regardaient de travers, il eût aimé tout autant se trouver au pays, près des siens.

Quand son tramway se fut arrêté, il ne monta pas tout de suite. Il s’effaça pour laisser monter