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leur porte, savaient déjà qu’on avait pincé un voleur. Rien de plus crispant que d’être ce voleur, alors qu’en casquette et pieds nus, les vagabonds qui vous ont pincés tiendraient beaucoup mieux ce rôle.

C’étaient de braves garçons. Devant le commissaire, ils déclarèrent les choses telles qu’elles étaient. Ils avaient vu le monsieur s’agenouiller dans leur champ, enfoncer la main dans le sol, arracher des pommes de terre, les fourrer dans sa poche. Ils en convenaient d’ailleurs : il avait fait son possible pour ménager les plants.

— Tout cela est-il vrai ? me demanda le commissaire.

— Hélas, oui.

— Pourquoi avez-vous fait cela ?

— La faim, monsieur le Commissaire.

— Vous ne travaillez donc pas ?

— Je suis journaliste. À cause de la guerre, les journalistes…

— Oui, je sais. En tous cas, vous allez commencer par rendre les pommes de terre.

Il fallut bien. Un des hommes tendit sa casquette. Je restituai lentement :

— Une… deux… trois… quatre…

J’eus un regard navré pour ma fillette. J’atten-