Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/229

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Certes, on trouvait du tabac. On trouvait même des cigarettes, et de bonnes. Seulement il aurait fallu les acheter. Alors voici comment je m’arrangeais. En ce temps, les musiciens se trouvaient aussi sans travail et ces braves gens, tout comme les autres, avaient besoin de vivre. Ils avaient créé un orchestre et donnaient des concerts. Grâce à un ami qui me donnait des cartes, je les suivais tous. Quoi qu’on dise : « Ventre affamé n’a pas d’oreilles », j’avais des oreilles. Je les ouvrais pendant la première partie, jusqu’à l’entr’acte. Mais après, les anges du Bon Dieu seraient descendus du ciel pour jouer leurs plus belles symphonies, que je n’aurais pas quitté le foyer. Dame ! Pendant cet entr’acte ceux qui avaient de quoi, venaient griller une cigarette. Ils ne la grillaient pas toujours jusqu’au bout…

Oh ! j’y mettais de la pudeur. Je n’y allais pas crânement comme ce ramasseur de mégots. Je marchais les mains dans le dos. Je plissais le front. Je fixais les yeux par terre. J’étais en somme le monsieur qui s’absorbe et pense au beau morceau de musique qu’il vient d’entendre. Mais tantôt mon gant tombait ; tantôt mon programme. Ou bien j’éprouvais le besoin