Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/90

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il ne voulut pas que sa femme allumât la lampe, car on est toujours tenté de regarder cette petite flamme. Il eut beau faire ! Dès qu’on eut fermé les volets pour la nuit, le petit soleil se ralluma dans son œil.

Il en fut de même les autres jours.

Les femmes feraient mieux de se taire. Si peu qu’il en eût parlé à la sienne, tout le monde au village sut bientôt ce qui arrivait au père François. Les uns riaient :

— Quel blagueur !

Les autres :

— Hé, père François, à quelle heure se couche-t-il, le soleil que vous avez dans les yeux ?

Il en avait pris son parti et plaisantait lui-même :

— Vous verrez bien l’hiver, quand vous gèlerez, avec mon petit soleil je n’aurai pas froid.

Il n’avait pas cru si bien dire. Un jour, la neige tomba. Le soir il eut son soleil. Et non seulement dans l’œil gauche. Il en eut un dans l’œil droit. Ce soleil-là n’était pas noir comme le premier : il était vert, avec un cercle rouge alentour. Le plus inquiétant, c’est qu’en le frottant à travers la paupière, il le fit éclater