Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/121

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fille fut sans doute hors de vue, revint à table. Ses yeux tombèrent sur moi. Son front était plus mouillé que jamais. Je voulus l’interroger. Je devinai à son air qu’il ne le désirait pas.

Charles amoureux et probablement malheureux, l’idée me tourmenta les six jours de la semaine. Pour rien au monde, je n’eusse manqué le dimanche. À déjeuner, il me sembla calme. Il plaisanta sa maman qui avait salé trop la viande. Le café versé, il but une gorgée et reprit son poste à la fenêtre. La demoiselle passa. Charles pâlit comme l’autre fois. Quand elle eut disparu, il se retourna en haussant les épaules. Je le regardai avec compassion :

— Voyons, Charles.

— Oui, fit-il. J’en suis là.

— Que veux-tu dire.

— Eh bien ! tu l’as vue : c’est Jeanne.

Je tâchai de plaisanter.

— Ton amie ? Je te félicite.

— Une amie ! Autant dire que nous étions fiancés.

« Étions » quelle détresse ! Je compris que mon tour venait de recevoir des confidences. Je lui pris la main :

— Allons, Charles. Raconte-moi.

— Elle habite dans notre rue, un peu plus