inconvenant, car j’avais jeté le papier de ma couronne, les voyageurs pouvaient voir que je me rendais à un enterrement. Je me grondais : « Pense donc à ton pauvre Charles. Il est mort. Il a voyagé dans ce tramway, peut-être à la place que tu occupes et, devant lui, sa demoiselle Jeanne. Pense… » Oui mais la fraise ! À un moment la dame se moucha. Je faillis pouffer :
— Si elle serre trop, elle écrasera sa fraise.
J’arrivai. Cela n’alla pas mieux. Maman avait raison, j’étais parti trop tôt, je ne pouvais décemment me présenter à dix heures pour un enterrement qui n’aurait lieu qu’à trois. Cinq heures à attendre. Et comment flâner dans ce petit Bagneux, sans passer devant la maison de Charles ? Je remontai une rue, la descendis, la remontai. Impossible de réfléchir à son chagrin quand on erre ainsi. Il me parut qu’un passant se retournait sur moi ; un deuxième me dévisagea. Je me dis, l’Autre me dit : « On voit que tu ne sais où aller en attendant l’enterrement. » Ma couronne aussitôt me parut très lourde. Pourquoi en avais-je jeté le papier ? Dans le tramway, je l’avais tenue sur mes genoux et c’était assez naturel. Maintenant elle pendait au bout de la main, à un doigt. Je m’appliquai à la porter d’une façon moins voyante.