Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/136

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D’abord à mon bras ; mais j’avais l’air de porter un panier. Puis devant moi ; mais qu’est-ce que je cachais de mon ventre ? Alors l’envelopper d’un journal ou la cacher dans mon dos ? Mais c’eût été rougir de ma couronne, par conséquent renier Charles. Je me reprochais de l’oublier dans ces stupides occupations. Cependant les gens me regardaient toujours et je n’avais pas gagné une demi-heure.

À la fin, je me décidai à entrer dans un bar. Là, j’attendrais à mon aise, en pensant à Charles, sans avoir à rendre compte à personne de ma couronne. J’eus probablement tort. Sur le comptoir, une bouteille tirait l’œil.

— Un verre de ça.

Je le vidai debout. C’était bon. C’était du Gaillac. Cela pétillait sur la langue. N’ayant pas mangé, le verre me tomba tout cru au fond de l’estomac. J’en demandai un second. Au troisième, la couronne m’embarrassa moins. Puisque j’étais tranquille ici, je n’avais qu’à quitter le comptoir, m’asseoir près d’une table et, ma couronne, l’accrocher crânement derrière moi à ma chaise.

En sortant, je pensais si peu à ma couronne, que je dus revenir sur mes pas. Le patron sourit :

— Ah ! vous l’avez oubliée.

— Ma foi oui !