Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore. Tic-tic-tic, que de place pour un cri entre tous ces tic-tic.

Dupéché vint me chercher et nous partîmes ensemble. Dans le tramway, mon plan me parut encore plus bête. Mlle Jeanne avait lu ma lettre. L’aborder ? Mais elle verrait l’infamie sur mon front. Dupéché sans doute avait combiné le coup à seule fin de compliquer les choses. Oh ! il s’en tirerait, lui ! « Moi à ta place… » Gras, carré, costaud, il fixait sur moi ses yeux qui rigolaient d’avance de me voir près de Mlle Jeanne. Ils rigolaient, mais ils voulaient. Il arborait une pochette neuve, une pochette exécrable, couleur abricot. Ah ! si j’osais ! Je l’attraperais par là, je lui donnerais une secousse, il roulerait bas du tramway, sa main s’agripperait à la barre, puis son corps à terre, perdant, avec son sang, son horrible pouvoir sur moi.

Avec son air de bourreau innocent, il tira sa montre :

— On approche.

Bien sûr, on approchait ! Mes regards tombèrent sur sa cravate. Elle était assortie à la pochette, également couleur abricot. Il y avait piqué une grosse épingle que je ne lui connaissais pas : « Ah ! ah ! tu t’es mis en frais. Eh bien ! on verra. » Cela me donna une sorte de courage.