Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/254

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qui faisait son devoir et donnait son nom à une brave fille.

— N’est-ce pas Jeanne ?

— Oui, oui, disaient les yeux heureux de Jeanne.

Au dessert, on applaudit parce qu’un jeune homme entrait, qui allait jouer du piano. Mais d’abord quelques messieurs se levèrent et placèrent leur petit discours. Un coude sur la table, Dupéché écoutait en roulant et déroulant sa serviette. Quelquefois il passait un doigt sur les paupières : on apercevait alors sa bague. Visiblement, il était ému. Les regards vers son assiette, il avait pris un air modeste. Sa femme par moments louchait un peu. Ou bien elle rougissait et cette rougeur naturelle transparaissait sous son rouge-confusion.

À mon tour, je me levai. Cela me parut drôle de dominer ce monstre dont les quatre-vingts yeux se fixaient sur moi. Tout près, Jeanne renversait la tête, comme si elle me regardait d’en bas évoluer au haut d’une tour. Je pensai à la planche de Pascal. Je me sentis en plein vertige. C’est de ce vertige que je parlai. Je ne me souviens plus de ce que je dis. J’oubliais mes paroles au fur et à mesure, si bien que chaque phrase me semblait la première. Il n’y avait pas de raison pour que