Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/256

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— À vos poches, Messieurs. Allons, donnez davantage.

En passant devant la mère de Jacques, je lui dis :

— Il est charmant votre fils. Et sa femme ! Il a bien choisi.

Grâce au piano, on chanta. Je chantai. Je chantai ma berceuse et comme l’autre soir, j’y mis tout mon cœur : Tiapa fais dodo.

— Mais c’est une chanson russe, s’étonna le pianiste. La musique est de…

Il me dit un nom.

— Oui russe, répondis-je, russe.

Et je sentis une grande joie et en même temps une rage contre ma Reine, la Russe qui avait, pourri mon enfance. On dansa. En réalité je ne sais pas danser. Je ne l’ai jamais appris. Je suis trop timide. J’imitai les pas des autres, en les exagérant, avec l’air de les connaître très bien et de les prendre à la blague. Je dansai avec Jeanne, avec la mère de Jacques, avec sa Louise, avec une jeune fille que je ne connaissais pas. De l’une à l’autre, je sentais la différence. Pour la mère, je dus écarter mes bras très fort. Je serrai Louise plus peut-être qu’il n’eût convenu. Mais l’impression la plus douce me vint de Jeanne, la plus douce mais aussi la plus pénible. Je m’admirais de me tirer si bien d’affaire.