Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/258

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On avait fumé beaucoup ; d’autres nuages plus opaques obscurcissaient mon cerveau : j’y voyais mal. De plus, les danseurs au milieu de la salle m’en cachaient, à chaque instant, le fond. Pourtant, je vis. Jeanne se tenait là seule. Dupéché s’avança, s’inclina et, sous prétexte de ce salut, lui glissa quelques mots. Visiblement il parlait de moi, car il me regardait. D’ailleurs les yeux de Jeanne me cherchaient aussi et, dès qu’ils m’eurent trouvé, ne me quittèrent plus. Elle eut un singulier sourire. Sa tête fit signe que non. Tout à l’heure, je l’avais offensée : qu’osait-on lui proposer pour qu’elle répondît non ? Cela me parut louche. J’essayai de me lever pour les rejoindre. Mon corps pesait deux cents kilos et ne se détacha pas de la banquette. Dupéché se pencha de nouveau et parla plus longtemps cette fois, avec insistance comme pour obtenir quelque chose. Son regard ne me lâchait pas. Jeanne regardait aussi. Elle souriait. Sa tête fit signe que oui. Tantôt non, maintenant oui : certainement une conséquence de mon offense. Je fis un nouvel effort pour me lever. Impossible. On eût dit que la volonté de Dupéché me liait à cette maudite banquette. D’ailleurs, les choses en train, autant voir jusqu’à quel point elles iraient. Un groupe de danseurs